Richard Artschwager
Dans les années ‘50, Richard Artschwager possédait une menuiserie où il construisait des meubles simples et fonctionnels. A partir de cette réalité journalière il a commencé à faire de l’art : sculptures en bois et formica qui sont des variations inutilisables de ces mêmes tables, chaises et étagères. De par leur solidité, leurs formes géomètriques et leur revêtement en formica criard, elles se situaient entre le Minimalisme et le Pop Art, tout en restant neutres.
Ont alors suivi les « quotation pieces » : représentations bi- et tridimensionnelles de signes de ponctuations qui, par analogie avec leurs écrits pendants, décadrent « l’espace » et donnent une destination. Elles constituent une première abstraction de la recherche de Artschwager vers les frontières des catégories artistiques traditionnelles et sont à la base de ses célèbres « BLPS » - tampons en forme de boîtes de sardines - qu’il a, à partir de 1967, apposés sur les places publiques pour signaler la présence de l’art.
Richard Artschwager fabriquait les «Bristle pieces », blps, boîtes et signes de ponctuation en brosse à cheveux, pour transférer sa myopie sur le spectateur. Ces « myopic constructions » avec leur contours vagues et chatouilleux sont typiques pour le jeu, l’ humour enjoué qui se retrouve dans toute son oeuvre. Il y a également les peintures : représentations nébuleuses et grisantes des sujets architecturaux sur celotex granuleux. Elles ont des cadres en formica proéminents qui sont peints comme des structures de bois veinées, agrandies et pour cette raison, paraissent plûtot se référer à des meubles de décoration qu’à des oeuvres d’art. C’est comme si, Artschwager voulait ici, à dessein, contrecarrer l’abomination des abstraits expressionnistes.
Le « mobilier » que Richard Artschwager expose à la galerie, sont des caisses qui sont normalement utilisées pour transporter les oeuvres d’art. Bien que par leur aspect robuste et brut, elles ne diffèrent guère des caisses standard, nous reconnaissons dans leurs formes, les volumes de ses sculptures précédentes : une table, un piano, une chaise, un bureau... Ces caisses sont-elles vides ou contiennent-elles quelque chose? Sont-elles des sculptures, font elles parties d’une architecture ou sont-elles des métaphores pour le marché de l’Art?
Artschwager n’a jamais beaucoup contribué à la littérature de son oeuvre. L’art fait, à ses yeux, partie de compréhension pré-littéraire. L’écriture implique faussement sa lisibilité. Regarder l’art est, selon Artschwager, comparable à la pratique de la science où on peut seulement parvenir à une percée créative en oubliant ce qu’on sait et regarder ce que l’on voit. Par opposition au surréalisme qui se déroule au niveau de l’esprit, les objets de Artschwager se situent uniquement dans la réalité , au niveau de la perception. Ainsi les dimensions divergentes des caisses peuvent être mises en rapport avec ce que l’artiste nomme « the three hot levels of contact » : le visuel au niveau des yeux, celui que les mains éffleurent au niveau de la taille/ du nombril et la relation avec l’entourage au niveau des pieds. Le contenu des caisses sera à jamais secret car l’art n’est pas littéraire. Artschwager construit simplement la beauté et le mystère d’une caisse en elle-même, un point c’est tout.
Cette exposition est la première exposition personnelle de Richard Artschwager dans une galerie belge. Parallèlement aux « crates », l’artiste exposera des peintures et des dessins.